L’abbaye Sainte-Marie de Fontfroide
C’est une abbaye cistercienne située sur le territoire de la commune de Narbonne, près d’un torrent dans le massif des Corbières. Le vicomte de Narbonne, Aymeric 1er, autorise une communauté de moines à s’installer sur ses terres près d’une source d’eau fraîche (fons frigida) qui lui donne son nom.
Abbaye bénédictine à l’origine en 1093, elle est intégrée dans l’ordre des cisterciens entre 1144 et 1145. Aux XIIe et XIIIe siècles, elle reçoit d’importants dons en terres qui lui permettent de réaliser de nouvelles constructions. Olivier de Termes finance la chapelle des morts afin de réparer les torts qu’il a commis envers l’Eglise catholique.
Les moines sont dispersés par la Révolution française en 1791.
Les cisterciens reviennent en 1848 mais sont à nouveau expulsés par les lois anti-congrégationnistes de la Troisième République au début du XXe siècle.
L’abbaye, classée à partir de 1862 au titre des monuments historiques, est actuellement un monument privé détenu par les descendants de Gustave et Madeleine Fayet.
Après avoir franchi le porche d’entrée aux lignes élégantes, bâti vers 1777-1778, on découvre le long rectangle de la cour d’honneur avec à droite un long mur de gros appareil et, en terrasse, des jardins à l’italienne ; à gauche, un grand bâtiment de structure médiévale qui fut d’abord occupé par les frères convers puis transformé et réaménagé, par l’ouverture de larges fenêtres à meneaux, afin d’accueillir l’hôtellerie. Au fond, une vaste arcature à trois baies limite cet espace. La baie du milieu est fermée par une grille de fer forgé qui s’orne d’un fronton triangulaire classique.
Les frères convers étaient installés dans la partie occidentale tournée vers l’extérieur. La distribution des bâtiments doit faciliter et en même temps réglementer la communication entre les deux groupes de religieux. Il s’agit d’établir, tout en maintenant la séparation, des points de contact entre les lieux de vie.
Par la ruelle les frères convers avaient accès au cellier, au réfectoire et, au fond, à l’église, en passant sous cette longue voûte en demi-berceau. Ils se rendaient au fond de l’église, sans déranger l’office psalmodié par les moines installés dans la partie opposées de la nef.
Le cellier est une salle basse, voûtée avec de vastes proportions. Les murs sont épais pour préserver la nourriture.
La cour dénommée « Louis XIV », à tort car sa configuration actuelle date de 1775, abritait au moyen-âge les ateliers des frères convers : la menuiserie, la forge et la boulangerie. A l’est se développait l’aile du noviciat.
Au centre de cette cour se trouve le puits, véritable citerne aux moellons parfaitement assemblés qui s’approfondit en un gouffre creusé dans le calcaire. C’est là que se trouve cette eau très froide qui a donné son nom « Fontfroide » à ce lieu.
Quand l’abbaye n’abrite plus ni convers, ni novices mais seulement un petit groupe de moines, ceux-ci détruisent les bâtiments et modifient l’aspect de la cour : le noviciat fait place au logis du prieur avec une orangerie et à l’étage des logements spacieux.
Une Porte permet l’accès au réfectoire des convers dont la longueur avoisine les cinquante mètres, et qui pouvait recevoir une communauté de 180 à 200 frères. Ce vaisseau construit au début du XIIIe S. se divise en cinq travées ouvertes de voûtes d’ogives étalées. Les arcs doubleaux de profil carré, les ogives et les nervures se fondent dans les murs. L’éclairage est apporté par des baies géminées vers l’ouest et en simples arc plein cintre à l’est. Des aménagements des XVIIe et XVIIIe S. ont percé deux portes centrales ouvrant l’une sur la cour d’honneur, l’autre sur la cour dite « Louis XIV ».
La restauration de l’abbaye depuis 1908 jusqu’à nos jours a ajouté les splendides grilles de fer forgé au motif de pampres et la grande cheminée Renaissance provenant du château des Ducs de Montmorency à Pézenas, détruit sur ordre de Richelieu en 1632
Dans la ruelle des convers une porte de fer forgé fait passer au cloître lumineux. La lumière y est diffusée par des arcatures et des oculi. Ce magnifique cloître enserre un petit jardin de massifs fleuris qui entourent un puits.
Deux périodes de construction et deux styles différents se sont succédé ici :
– Le premier cloître, bâti à la fin du XIIe S. et au début du XIIIe S. fut élevé selon les règles de l’art roman. Il comprend un ensemble de colonnettes et leurs chapiteaux à décor de feuillages variés qui supportent des petits arcs en plein cintre. Les colonnettes alternent le marbre rouge de Caunes Minervois, la griotte des Pyrénées et le blanc veiné de gris ou de vert.
– Puis, dans la seconde moitié du XIIIe S., quand Fontfroide reçoit de multiples donations et que l’abbaye est au temps de sa plus grande prospérité, un important remaniement est réalisé suivant les techniques nouvelles de l’âge gothique. Les colonnettes de marbre sont alors surmontées d’un haut tympan, percé d’oculi, qui s’inscrit dans un grand arc brisé. Les voûtes d’ogives retombent le long des murs sur des culots à deux mètres du sol.
Deux bassins de pierre servaient au rite du « mandatum », le lavement des pieds que les cisterciens pratiquaient mutuellement chaque semaine.
On accède à l’entrée de la salle capitulaire. L’arcade centrale en plein cintre s’appuie sur deux groupes de quatre colonnes de marbre entourant une cinquième. Cette salle construite entre 1180 et 1280, comprend trois murs pleins, celui de l’est a trois fenêtres pour éclairer la salle. Au centre, ogives et doubleaux sont soutenus par quatre colonnes aux chapiteaux évasés qui s’ornent de deux rangs de feuilles plates, représentations stylistiques du « cistel », le roseau des étangs de Bourgogne qui a donné son nom à Citeaux (abbaye des cisterciens). Fûts de marbre et arcs de pierre multipliés imposent l’image d’une forêt pour un profond recueillement. Deux bancs de pierre superposés courent le long des murs.
En parcourant la galerie Sud, on atteint le portail de l’église abbatiale.Orientée à l’est pour honorer Dieu à chaque levant, elle a une voûte à 21 mètres de hauteur. La construction de la nef fut entreprise en 1145. Elle comprend cinq travées, sa voûte en berceau brisé est soutenue par de gros doubleaux rectangulaires. Ces arcs prennent appui sur des colonnes géminées, engagées dans de gros piliers carrés qui s’arrêtent sur des consoles en quart de rond, à deux mètres du sol.
Cette nef contient deux collatéraux dont la voûte en demi-berceau monte à quatorze mètres. Dans le collatéral sud s’ouvrent cinq chapelles qui datent du XVe S.
Lorsque Gustave Fayet acquiert Fontfroide, les vitraux « en grisaille » ont disparu. Il installe alors dans la Bièvre la « verrerie des sablons » et sort l’ensemble des vitraux en 1913, prenant le parti de la couleur. Les cinq vitraux du collatéral nord présentent la vie de Saint François d’Assise.
Située au sud du chœur, la chapelle des morts a été financée au milieu du XIIIe S. par le seigneur Olivier de Termes.
Au XVIIe S., les convers ayant disparu, leur ancien dortoir à l’étage a été réaménagé. Un grand escalier conduit à l’entrée.
C’est une salle à voûte de grès rose, en berceau brisé, sans aucun doubleau sur toute sa longueur. Elle représente ce qui subsiste du dortoir des convers après les transformations du XVIIIe S.
Nous sortons et passons devant la porte romane qui servait d’entrée principale au monastère. Un arc, vide de tout ornement, dessine un plein cintre. Un imposant linteau constitué d’un unique bloc, soutient le tympan.
Nous accédons à la roseraie cultivée depuis le début du XXe S. sur l’emplacement d’un cimetière qui contenait plus de deux mille sépultures. En 1986, un incendie criminel la ravagea, elle fut replantée en 1989 de 2 500 rosiers de onze coloris différents.
Un jardin des plantes odorantes de la garrigue termine la visite.
Cet ensemble de jardins, restauré en 2007-2008, a été labellisé « jardin remarquable ».