Que voilà un nom barbare et peu connu. Que peut-il bien signifier ? C’est bien simple pourtant : Claudia collectionne les anciens siphons à eau de Seltz
Claudia comment avez-vous commencé cette collection ?
« Tout à fait par hasard. J’ai commencé par acheter une pièce en fonction de son bleu lumineux qui me rappelle les vibrations de l’eau. Je suis particulièrement sensible à cet élément, les verts et bleus des siphons me le rappellent et m’apportent la sérénité.
C’est également un souvenir d’enfance. Lorsque j’étais enfant, mes parents avaient des amis qui habitaient un mas en Provence. Nous allions les visiter l’été à St. Gilles et ils nous servaient des boissons pétillantes à l’eau de Seltz »
« J’ai continué à augmenter ma collection, une pièce après l’autre, au gré de mes découvertes. Et puis un jour, je m’étais arrêté à la terrasse d’un café avec des amis, le cabaretier soldait ses siphons dont l’usage était devenu interdit. J’ai acheté six belles bouteilles.
A Paris j’avais construit une niche dans une pièce et j’y avais installé ma collection qui était beaucoup plus conséquente.
Pouvez-vous les faire fonctionner ?
«La réponse est simple : non. »
Rappelons qu’il n’existe plus d’usines qui rechargent les siphons. Le risque principal est l’explosion. Les pouvoirs publics ont interdit l’usage des bouteilles en verre non protégées depuis 1952.
Un peu d’historique, de quand date l’invention des siphons ?
Ils ont été inventé vers 1775 et n’ont pas cessé d’évoluer jusqu’à leur disparition, mais leur âge d’or se situe au début du siècle dernier.
En fait ils ont été surtout employés pour l’eau de Seltz. Les fabriques d’eau de Seltz, seules habilitées à remplir les siphons, étaient obligées de posséder un matériel d’exploitation considérable et durent redoubler d’efforts pour faire travailler ce capital ; les cafés et les restaurants qui, au contraire, n’eurent qu’à recevoir ces siphons en dépôt et à prélever un bénéfice sur l’eau qu’ils contenaient, prirent l’habitude de l’offrir aux consommateurs. (cf. www.siphon.fr)
Claudia, parlons un peu de vous, comment êtes vous arrivé aux Sénioriales ?
« J’ai longtemps habité Paris, puis Nice pendant sept ans. Mes deux filles habitaient Avignon, l’âge avançant j’avais envie de me rapprocher d’elles. L’une de mes filles m’a parlé des Sénioriales et m’a emmené visiter une résidence. Sur le moment, le concept m’a fortement déplu. Et puis petit à petit je me suis habitué à l’idée. Deux ans plus tard je suis revenu et j’ai acheté une villa.
Quel a été votre parcours ?
« Mon père travaillait dans la presse, c’était quelqu’un de très autoritaire. Par contrecoup sans doute, j’étais quelqu’un d’assez rebelle. J’étudiais les Arts déco mais j’avais une envie : passer mon permis de conduire.
Il n’était pas question que j’en demande la permission à mon père. Alors lorsque j’ai vu une annonce de l’armée qui cherchait des ambulancières j’ai vu là un moyen d’y arriver. Je suis allée m’inscrire à l’école militaire. La première fois j’ai fait demi-tour en voyant la sentinelle. Mais j’y suis retourné et là je n’ai pas flanché.
Il m’a tout de même fallu l’autorisation de mon père, la majorité était à 21 ans et je n’en avais que 18.
J’ai donc suivi la formation les dimanches et j’ai passé mon permis voiture et mon permis poids lourds. J’ai même fait deux stages en Allemagne après l’obtention de mon diplôme. C’était juste après la guerre avant la construction du mur. J’ai également fait du vol à voile et nous savions tirer à la mitrailleuse. Nous étions affectées à l’armée de réserve, ce n’était donc pas un métier.
Je me suis fait de nombreux amis et ils font toujours partie de mon groupe de fidèles. L’année dernière il n’en manquait qu’un à l’appel. »
Et qu’a dit votre père devant ces beaux résultats ?
« C’est bien ma fille ».
« En fait j’ai gardé le désir de travailler dans le milieu médical. J’ai suivi une formation de puéricultrice et j’ai fait de nombreux stages en hôpital, Bichat entre autres et Necker où étaient soignés les enfants malades.
Ensuite je me suis mariée et j’ai élevé mes deux enfants mais je n’ai jamais pratiqué dans ma formation initiale car ce qui me plaisait et me motivait c’étaient les défis. »
« J’étais soucieuse de mon indépendance financière et je l’ai trouvée dans l’ascension des ‘Tupperware parties’ en 1963.
Je suis devenue rapidement monitrice et j’ai participé à la création d’une nouvelle concession à Clamart (Hauts de Seine). Grâce à un système sophistiqué de compétitions, primes et récompenses, j’ai rapidement gagné correctement ma vie. La concessionnaire qui m’avait recrutée fait toujours partie de mes fidèles amies.
Revenons à nos siphons. Pouvez-vous nous détailler quelques pièces ?
« Ma collection s’est nettement appauvrie car j’ai donné une grande partie de mes siphons lors de mon dernier déménagement.
Celui ci monté en lampe est un verre à losanges internes, il est très beau. Vous avez également des verres à pans octogonaux internes ou à facettes internes.
En fait vous pouvez les classer en fonction de leurs formes : les siphoïdes, les ovoïdes, les cylindriques, les pyramidaux ou coniques tronqués… et en fonction de la nature du verre : bullé ou perlé, émaillé, en cristal…
Celui-ci est un verre semi-torsadé mais vous avez des verres à nid d’abeilles ou a grappes de raisin…
Nous pourrions continuer longtemps, par contre ne me demandez pas pourquoi il en existe une telle diversité. Je pense que c’est en fonction de l’imagination de l’artiste qui les fabriquait car je n’ai pas connaissance que l’un ait été plus solide que l’autre. »
Nous pouvons terminer cette incursion au pays des siphons destinés à l’eau de Seltz par quelques vers de Serge Gainsbourg dans sa chanson Initials BB
« Une nuit j’étais à me morfondre
Dans quelque pub anglais au cœur de Londres
Parcourant ‘L’Amour monstre’ de Pauwels
Me vint une vision dans l’eau de Seltz »
Comprenne qui pourra !
Article et photos Michelle Marteau
Merci à Claudia pour cet entretien.
Nous aussi nous occupons des siphons à eau de seltz, concrètement ceux des années vingt et trente du dernier siècle. Saviez vous qu’il y a des siphon à soda datant de cette époque que l’on utilisait avec des cartouches en CO2 a lieu des usines ? Ils étaient fabriqués par l’ancienne marque de « Sparklets » qui a inventé ce système de remplissage à Londres. Les Siphon Sparklets ont des bouteilles en verre, mais protégées par un treillis métallique et comme telles ils sont tout à fait utilisables en France. Nous sommes une petite manufacture artisanale qui restore à main ces belles bouteilles de seltz à Munich. Nos siphons le plus âgés en état utilisable ont été fabriqué aux années vingt.