Les pots de pharmacie sont aussi anciens que l’art de guérir. On en a fait de toutes sortes de substances pour la conservation des médicaments. Les vases de faïences furent adoptés par les apothicaires français pour remplacer ceux d’argile lorsque la faïence fut devenue d’un prix abordable vers 1697 « a cause de leur beauté et de leur netteté »
Et puisque nous remontons le temps, savez vous que ce n’est qu’en 1777, à la suite d’un décret de Louis XVI remplaçant le jardin des apothicaires par le Collège de pharmacie, que les apothicaires prennent le nom de pharmaciens et obtiennent, après de nombreuses querelles avec les médecins, les chirurgiens et surtout les espiciers, l’exclusivité de la préparation des remèdes. Il officialisait ainsi la pharmacie comme une branche de la médecine nécessitant des études et des connaissances approfondies.
Alors Paule, pourquoi avez-vous commencé cette collection ?
« Sans doute parce que Pierre, mon mari, était pharmacien et que j’ai travaillé avec lui toute ma vie de femme mariée. La plupart des pièces que je possède sont en fait des cadeaux de fournisseurs. Nous en avons donné aux amis et aux enfants et nous avons gardé les pièces qui nous plaisaient le plus ou dont nous nous servions»
« L’une de mes pièces préférée est ce magnifique vase à thériaque. Ces pots étaient destinés aux grandes compositions. Ils se distinguaient par leur hauteur et leur volume supérieurs à ceux des autres pots de pharmacie car ces préparations étaient très populaires, donc très demandées, et préparées en grande quantité.
Suivant leur forme ils avaient des noms et des usages différents?
Bien sur, d’où les inscriptions qui sont portées dessus qui indiquent leur contenant. De nos jours, on utilise plutôt des étiquettes
Pouvez-vous nous expliquer tout cela au travers de vos différentes possessions ?
« Laisser moi d’abord vous présenter mon autre pièce préférée :
ce pot chinois représente un vieillard ‘Pou-taï’ ordinairement assis.
Ce dieu, fréquemment figuré sur les statues, était considéré comme l’emblème de la conservation et du rétablissement de la santé.
Les potentats de l’Inde et de l’Iran prisaient fort cette porcelaine qu’ils croyaient douée de vertus magiques et capables de révéler par un changement de couleur la présence d’un poison. »
Cette pièce fait parti de votre vécu ?
« Il m’en rappelle des instants, en particulier l’époque où nous vivions au Cambodge.
Pierre et moi habitions tous les deux Veynes (à coté de Gap) où j’ai passé toute mon enfance. C’est pourtant à Briançon que je l’ai rencontré. J’y travaillais et lui venait faire de la haute montagne. Nous nous sommes mariés, nous avions déjà une petite fille de deux mois lorsque l’opportunité s’est présentée de remplacer un pharmacien à Phnom Penh.
Nous y sommes restés deux ans, c’est là que mon fils est né. »
Vous en avez gardé de bons souvenirs ?
« Et des amitiés. Malgré le fait, ou grâce au fait, que la vie était difficile. C’était pendant la période de Dien Bien Phu, nous circulions difficilement, les khmers rouges étaient à notre porte lorsque, notre contrat fini, nous avons regagné la France.
La photo représente le comptable de la pharmacie Lim Yin Yong (nous avions …. employés) avec sa famille. Il a eu la permission de venir en France avec juste l’une de ses filles. Nous les avons accueillis et hébergés pendant six mois jusqu’à ce que Lim trouve un travail. Petit à petit il a réussi à faire sortir toute sa famille et à s’installer à son compte. J’ai également correspondu longtemps avec nos anciennes employées de maison. »
Le retour en France n’a pas été trop difficile ?
« Un peu parce qu’après la chaleur du Cambodge, nous nous sommes installés à Sedan dans les Ardennes, puis dans l’Isère. Le changement de climat a été important. »
Et finalement les Sénioriales ?
« Nous avons vu la publicité dans Notre Temps et le concept nous a paru intéressant. C’était aussi le moyen de nous rapprocher de ma famille (mes cinq sœurs et mon demi-frère habitent tous la région) et de retrouver le soleil.
Autour de vous, les pots jalonnent les souvenirs de votre vie ?
Certains vivent une vie différente tout en restant dans la ligne de leur destination première. Ce pilulier me sert à ranger mes pinceaux de maquillage. Dans ces pots à canon (qui contenaient avant des onguents, des opiats…) je conserve mes herbes aromatiques.
Ceux ci sont juste décoratifs.
Les inscriptions sur les vases étaient peintes une fois sa destination arrêtée. Elles contiennent parfois des erreurs qui sont imputables soit à l’apothicaire qui en a rédigé la liste, soit au décorateur qui les a peintes.
Les formes sont différentes suivant l’époque et le prix.
Beaucoup ont été transformés en lampe compte tenu de leur forme particulièrement décorative. La plupart se suffisent à eux même.
Une anecdote concernant ces pots ?
Certains de ces pots de pharmacie étaient réservés aux apothicaires qui avaient seuls le droit de les posséder et de l’afficher à la fenêtre de leur officine.
Les archives des apothicaires de Paris contiennent plusieurs sentences rendues contre des épiciers qui en possédaient.
Il s’agit de la chevrette qui porte d’un coté une poignée et de l’autre un bec saillant que l’on a comparé à la corne d’un chevreuil.
Pour ma part je possède une cruche destinée aux eaux distillées, aux sirops ou aux huiles.
Ainsi que cette bouteille que j’aime beaucoup pour son élégance et peut être aussi parce qu’elle a su conserver son bouchon intact !